Prévention du suicide

Temps de lecture : 10 minutes

Chaque nouvelle génération est plus à l’aise que la précédente pour parler de santé mentale. Pourtant, le suicide reste encore souvent un sujet tabou dans notre société, et beaucoup préfèrent ne pas en parler, parfois de peur d’aggraver la situation.

Cassons ensemble quelques clichés sur les idées suicidaires, pour vous aider si vous soupçonnez quelqu’un d’avoir des idées suicidaires, si quelqu’un vous a confié ses idées noires, ou si vous traversez vous-même  une période très difficile.

Que puis-je faire si je soupçonne quelqu’un d’avoir des idées suicidaires ?

Tout d’abord, merci de faire attention et de vous inquiéter pour cette personne. Vous ne pourrez pas vraiment l’aider si vous n’êtes pas certain que les idées suicidaires sont bien présentes, donc vous aurez besoin de davantage d’informations. Avoir ce genre de conversation peut être stressant, alors quelques conseils :

– « Et si j’empire la situation en en parlant ? » Le suicide est tabou, donc il est très inconfortable de l’amener dans une conversation. Si vous trouvez cela difficile, imaginez à quel point ça doit l’être pour la personne qui en est l’objet et aimerait se confier à quelqu’un ! Vous lui retirerez un grand poids des épaules si vous abordez le sujet vous-même.
Si la personne a effectivement des idées suicidaires, lever ce tabou n’empirera pas la situation, au contraire. Et si elle n’en a pas, poser la question ne déclenchera pas de « Oh mais tiens, je n’y avais pas pensé » !

Trouver le bon moment pour en parler. Tout d’abord, il faut trouver un moment où vous êtes seul·e avec la personne. Une méthode que vous pouvez essayer de suivre si cela vous aide :

Quelques étapes pour aborder le sujet

1. Demander à la personne s’il est possible de parler en privé

Certains se mettent en retrait durant la période qui précède une tentative de suicide, donc vous aurez peut-être du mal à vous retrouver en tête-à-tête. Vous n’êtes pas obligé·e de vous « imposer » en posant la question. Précisez simplement que vous préférez ne pas être devant d’autres personnes pour ce dont vous aimeriez parler.

2. Lui dire que vous avez remarqué qu’elle n’allait pas bien

Vous avez repéré que la personne avait l’air de ne pas aller bien. Vous pouvez lui demander si elle veut en parler, et vous en dire plus. C’est parfois leur première occasion de se confier et cela peut beaucoup aider. Assurez-vous à l’avance d’avoir assez de temps, pour ne pas avoir à couper la conversation pendant un sujet important. Si elle ne souhaite pas se confier, n’insistez pas, mais montrez-lui que vous restez disponible si elle change d’avis plus tard.

3. Si la personne n’aborde pas les idées suicidaires d’elle-même

Vous avez le droit de lui demander. « Est-ce que tu as des idées suicidaires ? », « Est-ce que tu penses à la mort ? » Posez-lui littéralement la question. Cela peut sembler très direct, mais l’inconfort est lié au tabou qui plane sur le sujet. C’est souvent la seule façon d’obtenir une réponse. Cela peut vous demander beaucoup de courage, mais faites l’effort de vraiment mettre les mots sur les choses. Si les idées sont absentes, vous ne les ferez pas apparaître…

4.1 Si elle vous dit oui

Laissez-la dire ce qu’elle a sur le cœur. Pour commencer, il est bon signe que vous soyez au courant : statistiquement, les personnes qui bénéficient de soutien social pendant une telle période ont des chances beaucoup plus importantes de surmonter la crise. Le sentiment de solitude est un des pires éléments de la crise suicidaire, donc votre simple présence est déjà protectrice !

On se retrouve plus bas pour voir plus concrètement comment vous pouvez réagir face à une telle situation.

4.2 Si elle vous dit non

C’est peut-être vrai ! Si vous pensez qu’elle ne vous dit pas la vérité, vous ne pourrez malheureusement pas faire grand-chose de plus pour l’instant : essayer d’obtenir une confession va seulement encourager la personne à « résister », vous pourriez même perdre sa confiance. C’est déjà une grande avancée que vous ayez mis les mots sur les choses, et montré que vous prêtiez attention et que vous étiez disponible. Le mieux que vous puissiez faire à présent est proposer votre aide, lui dire qu’elle peut vous contacter en cas de besoin. Vous pouvez aussi prendre régulièrement de ses nouvelles : lui faire savoir qu’elle compte pour vous, vérifier si sa situation a l’air de s’améliorer ou non, rester prêt si, cette fois, elle veut se confier davantage.

Si vous pensez que la personne peut préférer se confier de manière anonyme, vous pouvez lui conseiller ensuite d’utiliser une ligne d’écoute de prévention suicide.

Le choix des mots

D’une manière générale, quand vous avez l’impression que quelqu’un n’est pas très en forme, vous aurez le réflexe de demander à la personne comment elle va. Cependant, la manière habituelle et routinière dont nous posons ces questions relève aujourd’hui plus de la politesse, et rare sont ceux qui répondent sincèrement ou avec développement au classique « ça va ? » échangé en début de journée.

Choisir un simple « Comment ça va ? » incite déjà à une réponse un peu plus développée (ne serait-ce qu’en empêchant un simple « Et toi ? » en guise de réponse), surtout si vous montrez par votre attitude que vous avez le temps d’entendre une vraie réponse. 

Cette personne est importante pour moi, mais ça me fait vraiment peur de parler de suicide, alors je n’ai pas envie de le faire…

Avoir peur d’aborder le suicide ne fait pas de vous une mauvaise personne. Beaucoup de gens (y compris des professionnels de santé !) sont mal-à-l’aise quand on parle de la mort, et ont peur de ne pas savoir « accueillir » ces propos de manière adaptée, voire d’empirer la situation. J’espère que vous trouverez assez d’informations dans ce triple article pour vous sentir plus en confiance et essayer d’en parler. Dans le cas contraire, ne culpabilisez pas : d’une manière générale, même si vous êtes prêt à aller plus loin par vos bonnes intentions, essayez de ne pas aider quelqu’un en passant par une situation qui vous mette vous-même en détresse.

Ce que vous pouvez faire dans ce cas-là :

Ne pas vous éloigner de la personne parce que vous avez peur qu’elle aborde le sujet avec vous. Le soutien social est la meilleure chose que vous pouvez lui apporter, même si vous ne parlez pas du suicide.

Demander à un autre de ses proches d’avoir cette conversation avec elle.
« Je pense que [Personne] ne va pas très bien en ce moment, est-ce que tu en sais plus ? J’ai peur qu’il/elle fasse une bêtise, mais j’ai peur de lui en parler… Puisque que vous êtes proches, est-ce que tu penses que tu pourrais le faire ? »

Que faire si une personne que je connais a des idées suicidaires ?

Cassons encore quelques clichés !

Ce que vous ne devez pas vous dire

Votre inquiétude voire votre anxiété peuvent parfois vous souffler de mauvais conseils ou impressions. Certains peuvent aussi tout simplement venir d’un manque de connaissances sur le fonctionnement de la crise suicidaire ; c’est normal : on en parle malheureusement très peu.

– « Lui en parler va empirer les choses. » Nous avons déjà répondu à cette inquiétude plus haut : proposer à votre proche une opportunité de « vider son sac » ne peut que lui faire du bien. Le pire scénario serait que vous vous disputiez ; cela peut arriver si la personne essaie de se mettre en retrait, et que, voyant cela et étant inquiet, vous essayiez de la « forcer » à se confier à vous. C’est une situation où vous avez de bonnes intentions, mais où vos émotions vous font mal réagir.
Pour éviter cela, essayez de respecter les limites posées par la personne (elle a le droit de le faire même si elle ne se sent pas bien). Vous avez le droit de lui préciser que les idées suicidaires vont l’attirer vers la solitude plus qu’à son habitude, mais respectez tout de même son choix.
Essayez aussi d’empêcher vos propres émotions de vous submerger (on en reparle plus loin dans cet article).

– « Il n’y a rien que je puisse faire pour améliorer les choses. » Heureusement, c’est faux ! La meilleure situation pour aider votre proche, c’est d’avoir quelqu’un qui lui apporte un soutien social/amical (vous, au moins !), qui tient personnellement à elle/lui, et un professionnel de santé, qui aura une bonne distance en termes d’émotions, et saura comment la/le protéger.

– « Il faut du courage pour se suicider. » Le courage est un concept moral, dont vous n’avez pas besoin pour réfléchir à des questions de santé mentale. Est-ce que rester en vie, ce n’est pas courageux ? Est-ce que réussir à parler du problème à quelqu’un, ce n’est pas courageux ?
Il n’y a pas d’intérêt à « admirer » une tentative de suicide. Les personnes qui en font une méritent évidemment respect et compassion, mais encenser le fait de passer à l’acte ne va pas leur être utile.

– « Cette personne parle de se suicider pour un oui ou pour un non. Je pense que c’est juste un appel à l’aide, mais elle ne le fera pas vraiment. » Même si vous avez peut-être raison (certaines personnes, par exemple celles qui souffrent de ce qu’on appelle le trouble de la personnalité borderline, peuvent involontairement utiliser des comportements-symptôme de « chantage au suicide » ; cela peut également être un mécanisme de contrôle coercitif chez des auteurs de violences intrafamiliales), partez toujours du principe que vous avez tort et que le risque est mortel, et évacuez cette question.
D’une part, si vous vous trompez effectivement, et que la personne fait une tentative de suicide ou réussit à se suicider, vous allez culpabiliser.
D’autre part, même si elle ne le fait pas, ou si elle fait une/des tentative(s) qui vous paraissent n’avoir aucun risque mortel, cette situation montre une grande souffrance. La personne a tout de même besoin de votre soutien, et/ou de l’aide d’un professionnel.

Évaluer la sévérité du risque suicidaire

Les psychologues et autre professionnels de santé mentale ont une méthode précise pour évaluer la gravité, le « niveau de risque », des idées suicidaires. Elle s’appelle le modèle RUD (pour Risque – Urgence – Dangerosité).

En tant que proche, vous n’avez pas à effectuer ce travail, mais j’en reprends quelques éléments dans la partie qui suit, car certaines informations peuvent vous être utiles, notamment pour décider à quel moment vous estimez nécessaire de prévenir les urgences même contre l’avis de votre proche.

Pourquoi vous n’avez pas à essayer de faire cette évaluation vous-même

Vous n’y arriveriez pas bien, car l’évaluation du risque suicidaire nécessite de bien connaître ce domaine, et que vos propres émotions vont vous empêcher de voir la situation de manière objective et claire.

Vos émotions ne sont pas une chose négative : votre proche en a besoin ! C’est une mauvaise chose pour un professionnel de laisser ses émotions influencer son jugement, mais les amis, eux, sont en partie là pour ça ! Votre sympathie et même votre inquiétude font partie du soutien que vous pouvez apporter.

Ce que vous pouvez demander

Plus d’informations sur les idées suicidaires

♦ À quelle fréquence apparaissent-elles ? Était-ce juste une fois ? Certains d’entre nous plaisantent à propos du suicide, et dans une certaine mesure, cela peut être une pensée saine et complètement normale. Ou est-ce que ça revient régulièrement ? Est-ce la conclusion de toutes les fois où votre proche réfléchit à ses problèmes ? Est-ce que cela commence à lui apparaître comme la « seule solution » ?

Est-ce que la personne est d’accord avec les pensées suicidaires ? Si votre proche vous dit quelque chose comme « J’y ai pensé, mais c’est complètement stupide », « Ça n’arrangerait rien », « Je ne ferais jamais ça », ou autre type de propos qui critiquent l’idée suicidaire, c’est bon signe. Si la personne a peur à l’idée de se faire du mal, ce n’est pas très agréable pour elle, mais c’est également un signe rassurant. Si elle a l’air « d’adhérer » à ces pensées, d’y croire, d’être d’accord avec, c’est plus inquiétant.

Est-ce que la personne a un plan pour se suicider ? C’est le point le plus important. Tant que le suicide n’est qu’une idée, il est peu probable que votre proche fasse une tentative, à moins qu’il ne s’agisse d’une personne très impulsive.
Demandez-lui quel est le plan, si elle vous dit qu’elle en a un. S’il vous paraît impossible à réaliser ou inefficace, merci de ne pas lui dire ! Ou à l’inverse, est-ce quelque chose de réaliste et déjà accessible ? Est-ce qu’elle sait quand elle le ferait ?
S’il y a des réponses à toutes ces questions, la situation peut commencer à ressembler à une bombe à désamorcer. Le risque suicidaire peut en effet être une urgence à ce stade. On en reparle plus bas dans la partie sur ce que vous pouvez faire.

Si quelqu’un d’autre est au courant de la situation

♦ Y a-t-il quelqu’un d’autre qui sait ? Être seul·e pour aider une personne suicidaire peut être un poids lourd à porter ou générer beaucoup de pression. Cela rend aussi plus probable qu’il se passe quelque chose d’important et que personne ne l’ait remarqué. Vous pouvez par exemple avoir peur que quelque chose se passe à un moment où vous n’êtes pas disponible.
Si vous êtes un·e ami·e, demandez si quelqu’un de la famille est au courant de la situation, et vice versa. S’il n’y a personne d’autre que vous, encouragez la personne à le dire aussi à quelqu’un d’autre de confiance, et/ou demandez-lui l’autorisation de le faire de votre côté. Si elle refuse, vous pouvez lui préciser que vous avez peur qu’elle ait besoin de vous à un moment où vous n’êtes pas là, mais autrement, vous pouvez respecter son choix. Si vous prévenez quelqu’un d’autre que les urgences sans son accord, vous pourriez perdre sa confiance.

Si quelqu’un d’autre est au courant, avez-vous la permission d’être en contact avec cette personne ? Demandez la permission de communiquer avec cette personne. Cela peut être utile pour échanger des informations, vous rassurer quand vous n’avez pas de nouvelles, vous relayer… Si votre proche refuse, respectez son choix, et ne l’enfreignez qu’en cas de force majeure, par exemple si vous avez l’impression que la personne est actuellement en train de faire une tentative de suicide.

Est-ce que votre proche a parlé de ses idées suicidaires avec un professionnel de santé ? À part ses autres proches, un professionnel (médecin généraliste, urgences, psychologue, psychiatre, …) peut vous aider à soutenir la personne : il saura quoi faire, et pourra faire ce qu’un ami ne peut pas. Il peut aussi aider votre proche à résoudre les problèmes qui sont à l’origine des idées suicidaires. La crise suicidaire n’arrive jamais en l’absence de tout autre problème.
Si le risque suicidaire vous semble imminent, vous voudrez peut-être appeler les urgences pour empêcher votre proche de faire une tentative. Mais si votre proche vous a explicitement demandé de ne pas le faire, vous craignez peut-être que cela détruise votre relation. Si un professionnel peut le faire à votre place, vous n’aurez donc pas à endosser ce rôle.
Dans le cas où votre proche n’en a parlé qu’à des personnes de son entourage, encouragez-le/la fortement à aller vers un professionnel, quitte à l’aider dans cette démarche avec son accord. C’est la chose la plus prudente à faire, mais cela ouvre aussi de nouvelles solutions auxquelles votre proche n’a pas encore accès. Il y a parfois de bonnes raisons personnelles de ne pas avoir envie de faire cette démarche (c’est vrai, il y a plein de psy pourris, et on a parfois eu de mauvaises expériences par le passé). Proposez-lui alors d’essayer une nouvelle personne ou institution, pour tenter quelque chose de nouveau. Si le coût est un problème, les temps d’attente dans les CMP, gratuits, peuvent être trop longs, mais il y a également la possibilité des urgences psychiatriques dans un hôpital public.

Ce que vous pouvez faire

Ne vous forcez pas à faire des choses qui vous mettraient vous-même en détresse. Respectez vos limites et capacités sans culpabiliser : c’est comme cela que vous pourrez apporter un soutien de qualité et durable.

Être présent

Cela peut être physiquement, mais aussi virtuellement (téléphone, visio…). Les messageries instantanées donnent une impression de contact quasi-permanent et sont très utiles, mais utilisez aussi une source de contacts au moins vocale ! Un simple coup de téléphone, en plus de mieux vous laisser percevoir l’état de votre proche, et exprimer vos émotions sans quiproquo, offre aussi un vrai moment de coupure où aucun de vous deux ne fait autre chose en même temps.

Après l’expérience du Covid, l’isolement social est un enjeu important pour tout le monde, et beaucoup souffrent de l’impossibilité de voir physiquement leurs proches, la « qualité » du contact n’étant pas toujours la même quand le contact physique est impossible.

Exprimer votre inquiétude

Comme dit plus haut, il y a idéalement un bon équilibre à trouver : faites savoir à votre personne proche qu’elle compte pour vous et que sa situation vous importe, mais sans laisser vos émotions vous submerger. Les personnes suicidaires se sentent plus facilement coupable d’inquiéter leurs proches, et l’objectif n’est pas que ce soit votre proche qui soit chargé de remonter votre moral. Cela pourrait l’inciter à vous mentir sur sa situation pour vous rassurer. Écoutez-vous sur la façon dont vous voulez montrer vos émotions, mais je vous encourage à mettre des mots au maximum sur les choses, et à éviter de poser des ultimatums à votre proche.

On a vu qu’il pouvait être difficile d’accepter un refus de votre proche alors que vous essayez de le/la protéger. Pour éviter cela, ayez un comportement affirmé, non pas au sens commun du terme, mais au sens de l’affirmation de soi en psychologie :
– Verbalisez les choses, pour aider à diminuer la tension de la situation. Ex. : « Désolé si j’insiste autant, c’est parce que j’ai peur pour toi ».
– Faites ensemble la différence entre vos émotions et les faits. Ex. : « Actuellement, tu as envie de rester seul, mais est-ce ce dont tu as besoin ? », « J’ai envie de respecter ton choix de n’en parler à personne, mais en cas de danger, je devrai appeler les urgences ». En effet, vous pouvez être en désaccord avec les faits, mais pas avec les émotions, et c’est ce que vous pouvez souligner pour avancer avec votre proche sans risquer votre relation.

L’accompagner voir un professionnel

Après lui avoir posé la question, parfois, la personne est d’accord pour consulter quelqu’un, mais trouve ça trop difficile. La difficulté à faire des choses peut faire partie de la crise suicidaire. Vous pouvez lui proposer de prendre le rendez-vous avec elle et de l’y accompagner (jusque dans la salle d’attente seulement, bien sûr). Cela lui permettra d’y aller plus facilement, et vous pourrez vous assurer qu’elle y va.

L’aider à « désamorcer » le plan

La question du suivi par un professionnel devient indispensable à ce stade de la crise. Mais en attendant, si la personne a déjà un plan pour se suicider, réfléchissez avec elle sur comment l’empêcher de fonctionner. Si ce sont des médicaments, est-ce que quelqu’un peut les récupérer, et ne lui donner que la quantité nécessaire en temps et en heure ? Si c’est une arme, peut-on la retirer de son logement, la rendre inaccessible, ou séparer l’arme des munitions ? Si c’est un moment spécifique, peut-on l’empêcher de se produire ?
N’essayez pas de jouer à l’agent secret en faisant ça dans le dos de votre proche, faites-le avec lui/elle.
Si vous réussissez et qu’un nouveau plan apparait, recommencez : c’est tout de même une victoire !

Lui proposer d’être son contact d’urgence.

Passez comme un « contrat » avec elle : « au moment où tu sens que tu vas le faire, appelle-moi à la place. Appelle-moi avant de le faire. »
On voit ici l’intérêt de ne pas être la seule personne à soutenir votre proche : vous pourriez avoir peur d’aller prendre une douche et de rater un appel.
Quand tous vos espoirs reposent sur cette possibilité, considérez sérieusement que la situation est assez critique pour appeler les urgences.

Lui proposer de l’héberger temporairement

Le sentiment de solitude est horrible quand on a des idées suicidaires. C’est une des raisons pour lesquelles cette période est aussi dangereuse, psychologiquement parlant. Si votre proche vit seul·e et que vous vous inquiétez trop, vous pouvez lui proposer cette solution pour pouvoir veiller sur lui·elle. Cela peut aussi être un moyen de faire obstacle à certains types de « plans ». Bien sûr, ne le proposez que si votre propre situation le permet.

Appeler les urgences

Si vous pensez qu’une tentative de suicide va se produire, c’est un problème médical suffisamment grave et parfaitement légitime pour appeler les urgences (SAMU, pompiers). Même si la personne vous a demandé de ne pas le faire, réfléchissez-y quand même, s’il-vous-plaît.
Vous n’êtes pas obligé d’attendre qu’une tentative de suicide ait lieu pour appeler ! Le risque suicidaire est un danger médical.

Que faire si j’ai des idées suicidaires ?

Une crise suicidaire se caractérise par un désespoir intense, des idées noires, un épuisement physique et psychologique, des troubles du sommeil, ainsi qu’un sentiment d’isolement.

Cette situation est insupportable à vivre, mais sachez qu’il existe toujours d’autres solutions qui peuvent fonctionner, et toujours quelqu’un pour qui vous comptez…

Comment fonctionne la crise suicidaire ?

Un constat revient systématiquement lorsqu’on parle avec
une personne suicidaire, et met la lumière sur sa situation :

Une personne suicidaire n’a jamais envie de mourir.
Elle a juste envie d’arrêter de souffrir.

La plupart du temps, vous avez déjà essayé beaucoup de choses pour améliorer votre situation, mais vous avez l’impression que ça n’a pas marché, ou que ça n’a pas suffi. Mais vous êtes épuisé et vous en avez marre de vous battre. Vous avez l’impression qu’il n’y a rien d’autre que vous puissiez faire, et les pensées suicidaires s’installent.

La crise suicidaire fonctionne comme un poisson-lanterne, un prédateur qui vous attire vers lui avec une lumière artificielle : il vous leurre dans sa direction, rend le reste invisible, et tente de vous piéger. C’est pour cette raison que plus on se sent suicidaire, plus il est difficile de voir que d’autres solutions existent.
Ce sentiment est renforcé par l’épuisement physique et moral, qui amoindrit votre capacité d’effort et rend donc beaucoup plus difficile d’essayer de nouvelles choses.

C’est pour ces raisons qu’il est nécessaire de se faire aider par les autres (proches et professionnels) pour traverser cette période, et non pas parce que vous ne seriez pas assez fort ou méritant ! Vous aurez besoin d’autres phares qui s’allument pour vous éloigner de la lanterne du prédateur, et sortir la tête de l’eau.

La meilleure chose que vous puissiez faire pour vous aider sur le moyen terme, c’est de choisir des personnes de confiance et les informer de la situation. Idéalement, choisissez au moins deux de vos proches (afin de pouvoir contacter le deuxième si jamais le premier n’est pas disponible) et un professionnel de santé : votre médecin généraliste, psychologue, psychiatre.

Il est difficile de se confier à quelqu’un sur ce genre de situation, c’est normal :
– Le sujet du suicide est tabou, donc il est aujourd’hui compliqué de l’aborder sans se sentir mal-à-l’aise.
– Il s’agit aussi d’un sujet intime, donc vous ne souhaiterez pas en parler à n’importe qui, et rechercherez quelqu’un en qui vous pouvez avoir confiance.
– Expliquer sa situation demande un effort difficile à mobiliser quand on est épuisé.
– La crise suicidaire va vous donner l’impression d’être un fardeau pour les autres, et vous rendre réticent au fait de vous reposer temporairement sur eux. C’est un leurre !

Quels services d'urgence contacter

– Avant, pendant ou après une tentative de suicide :
appelez le 15 (SAMU)

– Si vous avez pris plus de médicaments que vous n’auriez dû, ou un produit toxique : appelez le Centre Anti-Poison

– Contactez votre médecin traitant ou psychologue ou psychiatre & l’un de vos proches

– Si vous avez besoin d’un moment d’écoute, gratuitement et anonymement : appelez Suicide Écoute au 01 45 39 40 00

Ce que vous ne devez pas vous dire

« Je ne mérite pas d’aller mieux. » Chaque vie est précieuse et utile, et laisse son empreinte sur le passage du temps. Vous ne pouvez pas, et n’avez pas, à essayer de juger de la valeur de votre propre vie, alors oubliez cette idée… Votre droit à la vie est inviolable et sacré, et vous n’avez pas à chercher à mériter ce droit.

« Je suis un poids pour les gens que j’aime. » Croyez-moi, vos proches préfèrent très largement vous rendre service, que vous leur fassiez confiance, et vous aider dans cette période, plutôt que votre disparition.
Les études montrent que chaque suicide a des conséquences sérieuses sur au moins 6 autres personnes, et que les proches de personnes suicidées ont davantage de risques de commettre eux-mêmes une tentative de suicide un jour…

« Il n’y a plus rien qu’on puisse faire. » Heureusement, c’est faux : cette impression est progressivement provoquée par la crise suicidaire, qui agit comme un bandeau sur les yeux et vous masque les possibilités restantes ainsi que les moyens de les atteindre. Quelqu’un peut vous aider à supprimer ce filtre, et vous disposez encore des ressources nécessaires pour le faire. L’écrasante majorité des problèmes peut trouver une solution, et pour les problèmes sans solution, il reste plein de choses que l’on peut faire en parallèle pour que la vie vaille la peine d’être vécue.

« Si je me tue, je ne me sentirai pas mieux, mais au moins je ne sentirai plus rien. » Les gens qui fait une tentative de suicide en sautant d’un pont et qui ont survécu disent tous la même chose : « au moment où j’ai sauté, j’ai regretté immédiatement de l’avoir fait, et j’aurais aimé ne pas l’avoir fait ».
Ne plus rien sentir du tout n’est pas mieux que ressentir de la douleur, parce qu’il n’y a qu’en étant vivant que vous pourrez de nouveau faire l’expérience des émotions positives et des expériences pour lesquelles vous aimiez la vie.

Ce que vous pouvez faire

Continuer à vous battre. Même si vous accrocher à la vie tel un hippocampe à une algue était la seule que vous puissiez faire actuellement, ce serait déjà suffisant. Vous êtes tout à fait capable d’y arriver, et vous serez fier de vous quand vous regarderez votre parcours dans quelques années ! Ceux qui n’ont pas laissé tomber ont tous surmonté leur crise suicidaire…

Vous entourer. C’est extrêmement important, même si ce n’est malheureusement pas facilité par la période actuelle. Passez du temps, physiquement ou virtuellement, avec des gens qui sont au courant de votre situation et vous soutiennent, ou aussi avec d’autres qui n’ont pas ces informations mais vous font penser à autre chose.

Un pas après l’autre. Les études sur certains traitement de la dépression (voir l’activation comportementale) montrent que, quand vous n’avez presque plus de forces, continuer à faire des choses selon votre niveau d’énergie est étonnamment la meilleure façon de le faire remonter.
Ne comparez pas avec la quantité de choses que vous pouviez faire quand tout allait bien. Selon vos capacités actuelles, choisissez une seule chose, pour commencer.
Une chose par jour. Ne pas rester en pyjama et mettre des vrais vêtements. Ou prendre une douche. Ou vous faire un vrai repas (même des pâtes). Laver une assiette. Écrire une phrase. Votre épuisement cessera de s’amplifier, et progressivement, vous pourrez de nouveau en faire un petit peu plus chaque jour.

Vous autoriser à vous reposer. Cela va de pair avec le fait de faire des choses selon votre niveau d’énergie : l’épuisement psychologique est un vrai épuisement, qui se voit au niveau neurologique. Vous avez réellement besoin de vous reposer davantage. C’est en partie pour cela que, si vous travaillez, vous êtes éligible à ce que votre médecin traitant vous mette en arrêt de travail.
Le partenariat avec un professionnel de santé peut être utile pour forcer votre emploi du temps à vous laisser souffler. Si vous êtes étudiant, contactez vos responsables de formation, et, sans expliquer plus que ce que vous ne voudriez (un mot de votre médecin pourra vous aider), demandez quels aménagements sont possibles pour ne pas vous mettre en échec.
Il n’y a pas de honte à demander de l’aide, ou à demander à sortir des cases prévues. Si vous aviez une maladie, physique, vous n’auriez pas honte de vous faire aider, alors donnez autant d’importance à votre santé psychologique !

Trouver au moins UNE raison de rester en vie. Une raison de continuer. S’il y en a plusieurs, bien sûr, trouvez-les toutes. Il y en a toujours au moins une. Trouver une toute nouvelle raison de tenir à la vie est déjà une bonne raison.
Trouvez quelle est votre raison de vivre et comment elle vous a aidé à tenir jusque là ; exploitez cette force, et accrochez-vous pour elle !

Vous souvenir que, même si vous en êtes sûr, ce n’est pas vrai qu’il n’y a plus de solutions. C’est la crise suicidaire qui parle. Même un nouveau départ à zéro peut vous apporter du positif : si vous choisissez de tout laisser tomber pour aller vendre des fleurs en Irlande, vous vivrez une expérience incroyable !

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