La Criminologie
En France, la criminologie est encore considérée comme une spécialisation du droit (droit pénal) ou de la psychologie (psychocriminologie). Pourtant, dans d’autres pays, anglophones (Royaume-Uni, USA, Canada) ou francophones (Belgique, Suisse, Côte d’Ivoire), la criminologie est une discipline universitaire à part entière. Plusieurs pays disposent même d’un Ordre des criminologues, pour encadrer leurs pratiques. Quelle est cette science encore peu reconnue chez nous ?
Qu’est-ce que la Criminologie ?
Définition de la criminologie
Après avoir brièvement décrit ce qu’était la criminologie, il reste beaucoup à en dire. Elle est donc la science qui étudie le phénomène criminel, sa nature, ses causes, son développement, et son contrôle.
Elle se divise en deux sous-disciplines :
– La criminalistique, abordée sur cette page car servant principalement dans le cadre des enquêtes.
– La criminologie elle-même, parfois aussi appelée psychocriminologie ou sociocriminologie. Celle-ci propose des théories et des outils d’analyse du crime, pour comprendre comment il fonctionne ; et d’intervention, pour essayer de prévenir ou stopper un crime ou sa récidive, ou réparer les dommages qu’il a causés.
Ces deux sous-disciplines vont pour cela s’intéresser aux caractéristiques de l’auteur de l’infraction, de sa victime quand il y en a une, et du contexte de commission de l’infraction, notamment son moment et son environnement.
Spécialités en criminologie
Même avec ces précisions, l’étude du phénomène criminel reste un sujet très vaste. L’École de Criminologie de l’Université de Montréal, auprès de laquelle je réalise mon doctorat, dénombre dix spécialités distinctes en criminologie (ou psychocriminologie) :
La criminologie clinique
Elle s’intéresse à l’individu qui commet le comportement criminel, pour mieux le comprendre et le faire progresser vers le désistement criminel (aussi appelé désistance). Cette spécialité développe et utilise des outils d’évaluation criminologique, et d’évaluation du risque de récidive, et des plans d’intervention adaptés aux besoins.
La criminalité en col blanc
Elle regroupe des crimes économiques, réalisés avec ruse ou dissimulation : fraude, blanchiment d’argent, transferts de fonds, corruption, collusion … Cette spécialité s’intéresse aux caractéristiques des individus qui les commettent, et à la prévention et au contrôle social.
La criminologie développementale et des parcours de vie
Cette spécialité voit le comportement délinquant comme un phénomène qui évolue dans le temps, avec autant de stabilité que de changement. Elle cherche à comprendre comment et pourquoi les comportements criminels émergent, s’installent, et parfois cessent, tout au long de la vie des individus.
La criminalité organisée
Elle est définie comme « une entreprise persistante impliquée dans des activités délinquantes liées à une certaine demande par le public, ce qui inclus l’approvisionnement en biens et/ou services illicites ». La criminalité organisée peut aussi passée par l’infiltration d’entreprises légales ou gouvernementales. Cette spécialité s’intéresse donc par exemple aux gangs, aux cartels de drogue, ou à la mafia.
La cybercriminologie
La cybercriminalité désigne des comportements criminels et déviants qui sont facilités par les technologies informatiques, comme le piratage informatique, la fraude informatique, le vol d’identité, l’exploitation sexuelle sur Internet, le cyber-harcèlement, le cyber-terrorisme et la vente de produits illicites en ligne. Ainsi, la cybercriminologie s’intéresse au fonctionnement de ces délits, aux personnes qui les commettent, et à la prévention et la sanction de ce phénomène.
La délinquance sexuelle
L’étude de la délinquance sexuelle essaie de comprendre les processus et les schémas cognitifs derrière des passages à l’acte tels que le viol, l’abus sexuel d’enfant, le voyeurisme, l’exhibitionnisme, ainsi que la possession, distribution et production de pornographie juvénile. Cette branche de la criminologie crée et utilise aussi des outils d’évaluation et des programmes de traitement des déviances sexuelles et de la récidive sexuelle.
La pénologie
Il s’agit de l’étude des politiques pénales et des pratiques correctionnelles. Elle s’intéresse donc au processus judiciaire, aux peines alternatives, et à l’incarcération, ainsi que leurs effets. La pénologie a montré les conséquences négatives de certaines peines sur les individus, leurs proches, la société, et les professionnels du milieu pénal. Ces observations ont donné naissance à la criminologie critique. De nombreux spécialistes de la pénologie sont issus d’une formation en droit pénal.
La santé mentale
Certains travaux en criminologie s’intéressent aux liens entre les problèmes de santé mentale (ex. : les addictions), le comportement délinquant, et le processus judiciaire. Ils partent du constat que les personnes souffrant de ce type de difficultés sont surreprésentées devant les tribunaux, voire en population carcérale. De nombreux spécialistes de cette question sont initialement psychologues ou psychiatres, puisque la compétence en diagnostic s’y révèle essentielle.
La victimologie
Elle s’intéresse aux individus qui subissent les comportements criminels et déviants de diverses façons. La victimologie étudie en effet les caractéristiques des victimes, la nature, l’ampleur et les conséquences de leur victimisation, et les facteurs de risque de victimisation. Elle s’intéresse aussi au traitement des victimes par le système judiciaire, et aux interventions psychosociales auprès d’elles.
Les violences
Tout comme la délinquance sexuelle, la violence est l’objet d’une expertise particulière en criminologie, car elle fonctionne différemment. La psychocriminologie des violences s’intéresse donc aux auteurs et victimes de violences, et à leur fonctionnement et leur évolution dans le temps et l’espace. La violence peut inclure des formes physiques, mais aussi psychologiques, économiques, verbales, institutionnelles, etc.
Mon sujet de thèse se rattache donc majoritairement à la criminologie clinique, et à la criminologie développementale et des parcours de vie. La psychologie des violences y prend également une place importante. Ces différentes catégories sont des spécialités thématiques en criminologie, et peuvent être étudiées par de multiples approches, théories et techniques. Ces thématiques de recherche, comme la psychologie, s’intéressent au fonctionnement humain. Il est donc difficile de formuler des théories sans recourir à l’interprétation ni à la surgénéralisation. Les approches de criminologie empirique essaient donc d’avancer de manière aussi objective que possible.
Le métier de criminologue
Titre de criminologue ?
La criminologie n’étant à ce jour pas encore une discipline universitaire en France, il n’existe pas de diplôme de criminologie à proprement parler. Les formations universitaires existantes se rattachent en effet aux départements de psychologie, de droit, ou aux deux. (Notons que les formations non universitaires sont rarement reconnues par l’État, et souvent proposées en formation continue, à des professionnels déjà diplômés.)
À ce jour, il n’existe donc pas encore de titre de criminologue protégé en France, comme c’est le cas pour le titre de psychologue ou celui de psychothérapeute. Cela signifie que n’importe qui peut se dire « criminologue », avec ou sans formation. Au Québec, par exemple, il s’agit d’un titre protégé, et les criminologues doivent, après une formation universitaire de trois ans, s’inscrire auprès de leur Ordre professionnel et respecter un Code de déontologie pour pouvoir exercer. Il reste encore beaucoup de chemin à faire, côté français.
Appellation de criminologue ?
En ce qui me concerne, j’ai choisi d’utiliser l’appellation de criminologue en plus de celle de psychologue pour deux raisons :
– Elle est assez parlante. Elle permet de se représenter facilement mon orientation vers la psychologie judiciaire, la psychologie des violences, ou celle de l’enquête.
– Je réponds aux conditions de diplômes requises dans les pays où le titre de criminologue est protégé, ce qui veut dire que j’en serais titulaire si j’exerçais dans un de ces pays. En effet, les conditions de délivrance du titre de criminologue se rapportent généralement, selon les pays, à un diplôme équivalent au Bac + 3.
Appellation de psychocriminologue ?
Le terme de « psychocriminologue » est parfois utilisé pour désigner les psychologues spécialisés en criminologie. En France, ce terme est souvent rattaché à des pratiques non empiriques, comme les approches psychanalytiques. Travaillant selon une pratique fondée sur les preuves, je préfère donc ne pas m’en servir actuellement. Par ailleurs, l’appellation de psychocriminologue n’est pas un titre protégé, mais fait perdre l’emploi du terme « psychologue », qui en est un. Un titre protégé garantit que l’on a affaire à un professionnel diplômé, il est donc préférable de s’en servir. La formulation « psychologue spécialisé en criminologie » est donc plus lourde, mais vous assure d’être face à un professionnel disposant de diplômes universitaires.
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette discipline, vous pouvez consulter mes articles de vulgarisation de criminologie. Le site propose aussi d’autres ressources de criminologie. Vous pouvez également voir d’autres types d’approches qui influencent les motifs de consultation proposés.
Dernière mise à jour de cette page : 01 / 04 /2024.