Les thérapies cognitivo-comportementales et émotionnelles

Aussi appelées Thérapies comportementales et cognitives, ou Thérapies cognitivo-comportementales tout court, les TCC, ou TCCE, désignent une constellation de modèles théoriques et d’outils thérapeutiques. Méthode de compréhension du fonctionnement psychologique normal et pathologique, elles sont encore peu connues en France. Pourtant, elles sont désormais l’approche de psychothérapie principale dans les pays anglo-saxons !

Que sont les TCC ?

Les thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles, reposent sur trois pôles d’intérêt qui leur donnent leur nom, développés par vagues successives. Nos comportements, d’abord étudiés par les psychologues comportementalistes, comme les experts du conditionnement (Pavlov, Skinner, Watson …). Nos pensées, ou cognitions, étudiés par la psychologie cognitive (Beck, Loftus, Miyake …). Et nos émotions, qui commencent à être mieux comprises grâce à la psychologie des émotions (Sander, Scherer, Douilliez …). Ces trois pôles du fonctionnement psychologique humain fonctionnent en interaction avec notre environnement.

Schéma des trois pôles de TCC, les pensées, émotions et comportements, en interaction avec l'environnement

Schéma classique d’illustration des TCC

Lorsque ces interactions se passent bien, on considère le fonctionnement de l’individu comme « normal ». Quand une partie de ce système fonctionne moins bien, c’est généralement temporaire, et l’individu arrive à revenir à son quotidien habituel par ses propres moyens. Parfois, ce dysfonctionnement s’installe, se chronicise, et les interactions se transforment en cercle vicieux. Ce nouveau système peut alors maintenir voire aggraver les difficultés. On parle alors de psychopathologie. Si les souffrances psychologiques qui gênent la vie quotidienne correspondent à des critères diagnostiques, on peut dans certains cas parler d’un trouble psychiatrique (ex. : un épisode dépressif, de l’anxiété sociale, un trouble du stress post-traumatique …).

Les TCC sont donc intéressantes à deux niveaux :

Au niveau théorique, elles proposent des modèles et des études scientifiques pour comprendre le mode de fonctionnement psychologique humain, qu’il soit normal ou pathologique. Par exemple, quels sont les biais cognitifs présents chez une personne qui souffre de schizophrénie ? Quels troubles du comportement peuvent apparaitre plus facilement en présence d’un trouble du spectre autistique ? Pourquoi oublie-t-on plus facilement avec l’âge ; quels oublis sont normaux, et quels oublis sont le signe d’une maladie ?

Au niveau thérapeutique, elles proposent des prises en charge et des outils thérapeutiques, dont l’efficacité est prouvée par d’autres études scientifiques, notamment pour remédier aux troubles psychiatriques. Par exemple, comment guérit-on d’une dépression ? Est-ce qu’il vaut mieux éviter ou se confronter quand on a très peur de quelque chose ? Quels exercices peuvent nous aider à réguler nos émotions négatives ? Combien de temps faut-il pour se débarrasser d’une addiction ?

Les psychologues spécialisés en thérapies cognitivo-comportementales sont donc formés à la fois dans la théorie et la thérapie, le normal et le pathologique, et les trois pôles des pensées, émotions, et comportements.

Ces dernières années, certains psychologues proposent l’existence d’une quatrième vague des TCC : la psychologie positive. Cette nouvelle approche s’intéresse non plus seulement à la diminution des symptômes désagréables, mais aussi à la manière de se rapprocher de son idéal, de ses valeurs, ou de son identité. C’est en quelque sorte une psychologie du bonheur. Elle a vu naître plusieurs approches de psychothérapie, comme la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), ou la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (mindfulness), qui sont assez à la mode en ce moment. Même si l’on ne croise pas encore beaucoup l’acronyme « TCCEP » (thérapies comportementales, cognitives, émotionnelles et positives ?), cette nouvelle vague semble très intéressante, et très complémentaire des précédentes.

Principes des thérapies cognitivo-comportementales

La construction des thérapies cognitivo-comportementales répond à de grands principes : réponse à la demande du patient, respect de son autonomie, bases sur des études scientifiques, et modulation et adaptabilité pour chaque patient et selon son évolution dans le temps. Cette rigueur et cette polyvalence en font une approche en pleine expansion, et une approche de première intention pour la plupart des difficultés (parfois à ex aequo avec la thérapie comportementale dialectique).

Elles sont également conçues de manière à ce que le thérapeute puisse garantir le respect du Code de déontologie des psychologues dans sa pratique.

Les TCC sont ainsi connues pour se démarquer d’autres psychothérapies par plusieurs caractéristiques spécifiques :

Actives

Le patient est impliqué dans la génération de son traitement (sa thérapie), dans sa structuration, et sa mise en place. Il ne se contente pas de suivre ce qui se passe. C’est la demande du patient qui fonde l’intervention du psychologue, dont l’action vise à répondre à cette demande, grâce à la fixation d’objectifs réalistes et atteignables. Le patient peut également être actif entre les séances, en réutilisant des outils ou des exercices travaillés auparavant avec le psychologue, parfois appelés tâches patient.

Culturellement appropriées

La thérapie tient compte des expériences sociales et culturelles du patient, de son milieu et de sa culture. En effet, pour prendre un exemple extrême, certains états psychologiques sont considérés comme pathologiques dans certaines cultures, mais pas dans d’autres.

Bénéficiant d’un soutien empirique

Les interventions sélectionnées bénéficient d’une vérification empirique de leur efficacité par des études scientifiques et des mises à jour régulières.

Motivationnelles

L’attitude du thérapeute et la conception de la thérapie doivent augmenter la motivation au changement du patient, et la réévaluer régulièrement pour s’y adapter. La motivation du patient est souvent étroitement liée à la précision de ses objectifs thérapeutiques, et à la mesure dans laquelle il peut se sentir prêt pour ce changement.

Dirigées

Le thérapeute doit être capable de diriger et, par moments, chorégraphier les sessions de thérapie, et le travail thérapeutique dans son ensemble, pour qu’il suive une logique et une cohérence.

Ici et maintenant

La thérapie se concentre sur le temps présent, pour aider le patient à changer son fonctionnement actuel, pas pour passer en revue et déterminer ce qui a causé les problèmes actuels. Ce regard vers le passé peut être pertinent (ex. : traumatisme, phobie), mais déterminer l’origine du trouble n’est pas indispensable pour que la thérapie fonctionne, et ne doit pas être son objectif principal.

Collaboratives

Le thérapeute doit pouvoir estimer quelle proportion du travail le patient peut fournir dans sa prise en charge, et compenser le reste. La thérapie fonctionne rarement en 50/50.
Les objectifs sont définis et co-construits ensemble à partir des souhaits du patient, qui oriente la thérapie en fonction des directions proposées par le thérapeute.

Adaptées au niveau cognitif

La thérapie doit être développée et progresser d’une manière que le patient peut comprendre, avec des principes et des objectifs adaptés à ses capacités. Par exemple, le patient doit pouvoir comprendre le déroulement de la thérapie même s’il souffre d’une déficience intellectuelle. Le thérapeute doit proposer des outils adaptés à un patient qui ne saurait par exemple pas écrire.

Centrées sur le problème

La thérapie est centrée sur les problèmes, pas sur les plaintes, que ce soit celles du patient (« Je ne me fais pas respecter ») ou celles des autres (« Il faut qu’il arrête de faire ce qu’il fait »). Les plaintes sont transformées en une liste de problèmes qui font consensus et qui peuvent être travaillés et résolus.

Orientées vers les solutions

La compréhension de la situation, conscience du trouble (ou insight) est utile, mais pas, en soi, suffisante pour amener le changement. Le patient et le thérapeute cherchent donc ensemble des solutions aux problèmes identifiés.

Par séances individuelles

Chaque séance de la thérapie est vue comme une entité séparée. Bien que les séries de séances aient évidemment une continuité, chaque session doit avoir son propre programme, avec un début, un milieu et une fin. Dans l’éventualité où le patient ne reviendrait pas pour la prochaine séance (ou les prochaines séances), il y a une conclusion à chaque séance.

Intégratives

La thérapie doit inclure et intégrer différentes dimensions cognitives, comportementales, affectives, systémiques, biologiques, motivationnelles, et sociales. Elle peut utiliser des éléments empiriques d’autres approches, pour compléter certains aspects (ex. : spécialité complémentaire du psychologue). D’autres professionnels peuvent être sollicités par le patient pour compléter ces aspects (ex. : suivi neuropsychologique pour compléter la prise en charge d’un trouble du spectre autistique, ou d’un trouble déficitaire de l’attention, proposé par un neuropsychologue).

N.B. : Cette dimension n’est pas à confondre avec l’approche appelée « psychologie intégrative », qui combine tous les courants psychothérapeutiques dans une même pratique professionnelle (ex. : psychanalyse, systémie, TCC, psychologie positive …).

Dynamiques

Le noyau dynamique des TCC est constitué de schémas cognitifs. Ils doivent être identifiés, expliqués au patient, et modifiés, afin que la prise en charge soit complète. Le déroulement de la thérapie s’adapte à la situation et à l’évolution du patient.

N.B. : Cette dimension n’est pas à confondre avec l’expression « thérapie psycho-dynamique », qui est parfois utilisée comme synonyme pour l’approche psychanalytique.

Limitées dans le temps

Le fait que la thérapie est limitée dans le temps ne signifie pas forcément que le nombre de séances est fixé à l’avance. Il signifie plutôt que le thérapeute planifie comment les séances seront allouées et utilisées, du début à la fin de la thérapie. En d’autres termes, à la fin de l’évaluation initiale de la situation, le psychologue propose un programme thérapeutique au patient, après lequel le suivi devrait être fini. Ce programme peut bien sûr être réévalué à tout moment, pour s’adapter aux besoins et aux changements dans la vie du patient.

Psychoéducatives

La thérapie nécessite l’acquisition et la construction de compétences chez le patient, qui sont conçues pour améliorer son fonctionnement et son adaptation. Le patient peut ainsi comprendre son propre fonctionnement, que ce soit son fonctionnement actuel ou celui qu’il souhaite atteindre ou retrouver. Il comprend également les outils et exercices thérapeutiques et leur utilisation, pour pouvoir continuer de s’en servir de manière autonome après la fin de la thérapie. C’est ce qu’on appelle la psycho-éducation, ou psychoéducation.

Structurées

La thérapie doit être structurée avec attention, à la fois dans sa globalité et pour chaque session. La planification d’un programme est utile à la fois pour le thérapeute et pour le patient, pour faciliter le succès du travail thérapeutique.

Exhaustives et systémiques

La thérapie doit s’efforcer d’être complète, approfondie, et large. Elle doit tenir compte des différentes dimensions psychiques du patient, de ses domaines de vie quotidienne, et de l’ensemble des manières dont les difficultés peuvent se manifester. Elle prend en compte les multiples systèmes sociaux de la vie du patient (ex. : système social, système de justice criminelle, système éducatif, système familial, système culturel). Une TCC bien faite aura un faible taux de rechute, car les difficultés ont été déconstruites selon leur fonctionnement au cas par cas, au lieu de traiter uniquement les symptômes qu’elles provoquent.

« Les fondamentaux des thérapies comportementales et cognitives (TCC) » – Dragon Bleu TV

Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur les TCC, vous pouvez écouter cette interview réalisée par Sophie Robert de quatre représentants de l’Association Française des Thérapies Comportementales et Cognitives (AFTCC).

Elle donne la parole aux professionnels suivants :
Pr Stacey Callahan, psychologue, professeure de psychopathologie à l’université.
Dr Frédéric Chapelle, psychiatre et psychothérapeute TCC.
Emeric Languérand, psychologue et psychothérapeute TCC.
Didier Pleux, docteur en psychologie clinique, psychothérapeute TCC.

Déroulement classique d’une TCC

Lorsque les TCC sont utilisées en psychothérapie, et pas seulement pour guider l’approche du travail du psychologue, on retrouve plusieurs grandes étapes :

1. L’anamnèse

C’est le nom qu’on donne aux premiers entretiens, où le patient amène son problème, explique sa situation, et où le patient et le psychologue apprennent à se connaître.
Lors de ces premiers entretiens, c’est davantage le patient qui parle. Le psychologue peut reformuler ses propos pour vérifier qu’il a bien compris ce qui lui est dit.
Souvent, mettre soi-même des mots sur les choses, être écouté·e, et reformuler la situation ensemble, permet déjà d’avancer.
L’anamnèse reprend généralement la situation de vie du patient, un aperçu de son histoire de vie si c’est pertinent, la description de l’apparition des difficultés et de leur installation, une description détaillée des difficultés actuelles ou des symptômes, et la demande du patient. Régulièrement, des échelles ou des tests peuvent être proposés pour compléter ces éléments, les objectiver, ou les quantifier. Les psychologues sont en effet formés à la psychométrie lors de leur cursus universitaire, ce qui les habilite à la passation des tests.

2. Le diagnostic

Une fois l’anamnèse bien avancée, le psychologue dit au patient ce qu’il a compris de sa situation (ex. : si elle correspond à un diagnostic), lui explique ce qu’il sait de son problème (ex. : le modèle TCC de son trouble psychiatrique), et personnalise ses propositions à son cas individuel.
Si l’on se rend compte qu’il n’est pas le professionnel le mieux placé pour aider le patient au vu de sa situation, il lui proposera de le réorienter vers une personne plus spécialisée. C’est le patient qui choisit quel(s) professionnel(s) il consulte !

N.B. : Parler de « diagnostic » est un abus de langage, le psychologue ne pose pas de diagnostic à proprement parler : c’est le rôle du médecin. Cela étant, lorsqu’un trouble psychiatrique est présent, il est généralement au cœur de la conception des étapes suivantes. Le psychologue doit donc souvent déterminer à quelle pathologie la situation correspond. En termes de compétences techniques, les psychologues cliniciens ont une formation universitaire suffisante pour remplir cette mission.

3. L’objectif thérapeutique

En étudiant ensemble la demande du patient, ses attentes, et ce qui a été dit lors des deux premières étapes, le psychologue et le patient fixent ensemble des objectifs pour la thérapie.
Les objectifs choisis sont atteignables, concrets, et mesurables. L’évaluation de sa réussite et les moyens pour l’atteindre sont définis à l’avance. S’il semble assez lointain, il est possible de décider de plusieurs objectifs intermédiaires, pour échelonner la progression du patient.
En cas de changement dans la situation ou les besoins du patients, les objectifs pourront être modifiés. Ils ne constituent pas non plus un engagement : le patient n’est jamais obligé de continuer la thérapie s’il ne le souhaite plus.
La motivation au changement est d’ailleurs importante à surveiller tout au long du suivi, pour adapter les objectifs.

4. La thérapie

La psychothérapie en elle-même vise à atteindre les objectifs fixés, à l’aide d’outils qui permettent de travailler les cognitions (pensées), les comportements, et les émotions.
Sa durée peut varier en fonction du problème initial et de l’évolution de la situation. Tout le monde est différent sur ce point…
Le nombre de séances dont le patient pourrait avoir besoin sera globalement estimé à l’avance à l’aide du programme thérapeutique construit pour atteindre les objectifs.
La motivation continuera d’être évaluée régulièrement.

5. La clôture de la thérapie

Une fois les objectifs thérapeutiques atteints, la situation est réévaluée afin de mesurer les progrès du patient. Le psychologue propose un plan de prévention de la rechute, si les difficultés correspondaient à un trouble psychiatrique. Ce plan permet de stabiliser les progrès du patient, ou de lui permettre de réagir de façon autonome face à une nouvelle situation similaire.
Un nouvel objectif thérapeutique est parfois défini, pour travailler sur une problématique secondaire.
Tout au long du suivi, c’est le patient qui choisit la fréquence des entretiens, et à quel moment il se sent prêt pour que son psychologue et lui se disent au revoir !

Actuellement, je ne reçois plus de nouveaux patients dans le cadre de psychothérapies d’approche TCC.
Si vous ressentez un besoin spécifique, vous pouvez regarder les motifs de consultation que je propose, ou consulter ma page d’adressage afin de trouver un confrère qui reçoit toujours les nouveaux patients.

Dernière mise à jour de cette page : 01 / 04 / 2024.