Recherche scientifique

Le travail de recherche scientifique en psychologie légale demande le développement de compétences spécifiques liées à la démarche scientifique. Cet apprentissage se fait généralement par le biais d’un doctorat dans la discipline universitaire d’intérêt. De nombreux chercheurs conservent une pratique sur le terrain à côté de leurs travaux académiques.

Compétences du métier de chercheur

Les chercheurs possèdent des compétences qui sont également utiles à avoir pour les professionnels sur le terrain. Pas besoin de porter une blouse, un pantalon en velours côtelé, ni de choix capillaires incertains pour faire de la recherche scientifique ! La France donne encore peu de reconnaissance au diplôme de doctorat en dehors du domaine universitaire, mais vous serez peut-être d’un autre avis après avoir lu cette page…

Compétences principales

Recherche d’information

Le chercheur apprend dès sa formation comment effectuer une recherche d’information exhaustive et approfondie sur un sujet donné. C’est notamment l’objet de la revue de littérature. Grâce à des compétences de veille informationnelle, qui lui permettent de se tenir à jour sur les évolutions de son sujet, il dispose aussi d’une capacité à se remettre en question. Les chercheurs sont donc généralement performants en gestion de l’innovation et en perfectionnement continu.

Gestion de problématiques complexes, résolution de problèmes

Le travail de recherche est souvent complexe à différentes étapes : compréhension de la littérature scientifique, conception de projet, préparation administrative de la recherche, exécution du protocole, traitement et analyse des résultats, rédaction, communication … Le chercheur apprend donc à gérer des situations intellectuelles et pratiques complexes. Il doit aussi faire preuve de réactivité, voire de créativité, pour résoudre les problèmes qui se présentent, ce qui lui donne de bonnes facultés d’adaptation.

Gestion de projets

Malgré des temps de travail en équipe, les doctorants et chercheurs sont souvent seuls pour piloter leurs projets, en autonomie. Cela implique de bonnes compétences de planification et de gestion du temps. La gestion de tels projets exige également une politique de gestion des données de recherche. Ce type de responsabilités favorise les professionnels qui font preuve de rigueur et d’organisation.

Communication écrite et orale

Le projet de recherche n’est jamais mené pour rester à l’abri du monde, et implique une communication écrite (publication d’articles scientifiques) et orale (participation à des congrès, conférences, vulgarisation …). Les doctorants et chercheurs sont donc également capables d’utiliser un bon niveau de français, un anglais professionnel et technique, et de maîtriser les codes d’une rédaction scientifique ou standardisée.

Compétences annexes

Esprit critique, esprit scientifique

Pour concevoir un projet de recherche, des connaissances en épistémologie, voire en philosophie des sciences, sont nécessaires. Associées aux compétences de recherche d’informations, elles aident au développement d’un esprit critique qui peut se généraliser à tous les domaines de vie. L’esprit critique des chercheurs leur permet de mettre à l’épreuve les informations qu’ils rencontrent, notamment à l’aide d’un important travail sur leurs sources. Cette éducation permet de limiter certains biais cognitifs, et de prévenir certaines erreurs. Il s’agit d’une compétence indispensable pour de nombreux postes à responsabilité.

Ouverture d’esprit

La recherche scientifique amène à la confrontation de diverses idées (théories adverses, disciplines complémentaires …) et populations (autres chercheurs, populations de participants …). En conséquence, un bon chercheur fait preuve d’ouverture d’esprit ! Ce trait est important pour permettre des échanges apaisés et cordiaux et permettre d’atteindre des échanges de fond. Cela peut également rendre le chercheur capable d’une prise de risques pour accéder à des projets avant-gardistes ou innovants.

Fondations de projets

À titre plus secondaire, mais néanmoins important, d’autres compétences sont nécessaires pour mener une recherche à terme. Le chercheur sait généralement développer et entretenir un réseau de pairs, rechercher des financements de projet, et tenir des contraintes de temps lors des étapes importantes du projet.

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Processus de recherche

La démarche scientifique a progressivement dégagé de grandes étapes méthodologiques dans la réalisation d’un projet de recherche. Quelque soit la discipline universitaire, le processus de recherche suit donc un peu toujours les mêmes étapes. Elles peuvent être résumées dans le schéma ci-dessous :

Le cycle du processus de recherche

La revue de littérature

La revue de littérature est l’étape lors de laquelle le chercheur lit les travaux scientifiques existants sur son sujet d’intérêt : articles révisés par les pairs, publiés dans des revues, livres et ouvrages scientifiques, manuels, études de cas, bases de données… Selon la discipline et le sujet, les sources peuvent être très variées.

Cette étape permet d’établir ce qui est déjà su par la science, et ce qu’il reste à découvrir. Certaines études donnent de premiers résultats, mais méritent d’être répliquées, ou étudiées dans d’autres contextes. Certains sujets n’ont pas été étudiés depuis longtemps et méritent d’être actualisés. D’autres encore ont été étudiés, mais la méthodologie de recherche peut être améliorée pour augmenter la validité ou la fiabilité des résultats.

Avec une bonne revue de littérature, le chercheur sait quelle est la prochaine étape pour mieux connaître son sujet d’intérêt. Elle peut aussi lui donner des idées de recherche auxquelles il n’avait pas pensé. Il est par exemple intéressant de regarder ce que d’autres disciplines disent du même sujet. Cette étape est très importante, pour voir si notre idée de recherche a déjà été testée, si d’autres pistes d’explication intéressantes ont été proposées, etc.

La problématique

La problématique est la reformulation de la revue de littérature et des idées de recherche sous forme de problème. On pourrait parler de problématisation, pour transformer une question en problème. Ce problème sera résolu par le projet de recherche et ses résultats.
Que reste-t-il à connaître de ce sujet ? De quelles connaissances manque-t-on pour intervenir efficacement ? Quelles pistes peuvent expliquer ce phénomène ? Ces questions générales sont transformées en une question plus précise. Cette question soulève des hypothèses de recherche, que le projet cherchera à confirmer ou non.

Exemple :
Question : « Est-il possible que des personnes innocentes avouent des crimes qu’elles n’ont pas commis ? »
1. Hypothèse d’un chercheur : « Non, c’est impossible, seuls les coupables avouent. »
2. Hypothèse d’un autre chercheur : « Oui, si la personne est manipulée par les enquêteurs. »
3. Hypothèse d’un autre chercheur : « Oui, mais seulement si une grande violence physique est employée. »

Pour une même question d’intérêt, les hypothèses seront différentes d’un chercheur à l’autre. Cela amène des protocoles de recherche différents, qui essaieront différentes stratégies pour répondre à la question.

La conception du protocole de recherche

La conception du protocole de recherche est une étape sensible de la recherche scientifique. Le chercheur détermine par quels moyens tenter de répondre à sa question de recherche, sa problématique. Que doivent faire les participants ? Quelles tâches leur donner ? Qu’est-ce qui est mesuré, dans quelles conditions ? Dans quel environnement sont placés les participants ? Est-ce que le chercheur intervient lui-même pour faire varier ce qu’il étudie, ou se contente-t-il d’observer des variations naturelles ? Utilise-t-on des outils et méthodes établis, ou en crée-t-on de nouveaux ? Se centre-t-on sur le point de vue des participants et son discours, ou cherche-t-on des indicateurs externes ? Souhaite-t-on des informations objectives ou subjectives ?

Il est essentiel d’avoir fait une revue de littérature exhaustive, et une problématisation précise, sinon la recherche ne fonctionnera pas. Si le protocole de recherche est inefficace, les résultats ne permettront pas de répondre à la question posée, et la science n’aura pas avancé… Ou pire, on interprétera les résultats alors qu’ils ne permettent en réalité pas de répondre à notre question.

Dans les projets de recherche quantitative, il n’est plus possible de modifier le protocole de recherche, une fois que l’on a commencé le recueil de données. Il faut donc avoir tout prévu correctement à l’avance. Entre la création du protocole de recherche et le début du recueil de données, les travaux passent souvent par un Comité d’éthique. Pour les recherches qui impliquent des êtres humains, le Comité d’éthique étudie le protocole avant d’autoriser le chercheur à commencer son étude. Il vérifie que les droits de l’homme sont respectés, que la recherche ne risque pas d’avoir d’effets négatifs sur les participants, etc. En recherche qualitative, il est plus fréquent d’adapter son protocole aux retours des premiers participants sans perdre en validité, étant donné que les méthodes d’analyse ne sont pas les mêmes. La recherche qualitative intervient souvent dans des phases d’étude plus exploratoire d’une thématique.

Le recueil des données

Une fois le protocole validé par le Comité d’éthique, lorsque nécessaire, le chercheur peut commencer à le suivre et recueillir ses données. Il essaie de recruter un nombre suffisant de participants pour pouvoir répondre à sa question de recherche. Il utilise des méthodes d’échantillonnage pour choisir des participants représentatifs de la population étudiée.

Les participants volontaires signent un formulaire de consentement, et suivent le protocole de recherche. Les données de recherche sont obligatoirement anonymes, pour les protéger. Ainsi, si un participant s’intéresse aux résultats de l’étude, il pourra recevoir les résultats globaux, mais jamais ses propres résultats. Puisque ceux-ci doivent rester anonymes, même le chercheur lui-même ne peut pas relier les données recueillies au participant qui les a fournies. Le numéro de participant reliant la personne à ses données ne peut être utilisé que pour les supprimer à sa demande, conformément au RGPD.

Les données sont généralement encodées sous forme de tableaux (ex.: des temps de réaction à une tâche, et le nombre de réponses correctes et fausses). Parfois, les données sont beaucoup plus denses pour chaque participant : entretiens enregistrés ou retranscrits, etc. De manière caricaturale, les données sous forme de tableaux de chiffres avec beaucoup de participants viennent de recherches quantitatives, et les données sous forme d’extraits de discours avec moins de participants différents viennent de recherches qualitatives.

Le recueil de données et le nombre de participants sont très variables, selon les besoins de la recherche. La population étudiée est-elle rare ? Le phénomène d’intérêt se produit-il facilement ? Est-ce qu’on pense qu’une seule hypothèse est vraie, ou est-ce que plusieurs scénarios sont possibles ? Certaines recherches sont donc publiées avec une dizaine de participants, alors que d’autres en ont plusieurs milliers.

Les analyses statistiques

Lorsque la recherche quantitative suit tout le processus scientifique, les résultats bruts ne sont pas directement publiés. Ils passent d’abord par une série de traitements statistiques, pour étudier leur contenu. De manière synthétique, les analyses statistiques répondent principalement à une question : est-ce que les résultats recueillis confirment notre hypothèse, ou non, ou peuvent-ils venir du hasard ?

Par exemple, si je possède un dé, mais que je ne sais pas quels résultats il peut donner, on peut considérer que chaque lancer de dé est un « participant ». Je lance le dé deux fois, et je tombe deux fois sur 6. Le dé donne donc un résultat de 6 dans 100% des cas. Est-ce une vérité générale, ou est-ce seulement le hasard ?
Le dé a six faces, donc je décide de le lancer six fois. Vais-je forcément connaître tous les résultats possibles en lançant le dé ?

Les analyses statistiques permettent de répondre à ces questions, de différentes manières :
– Est-il plus probable que les résultats soient expliqués par mon hypothèse que par le hasard ?
– Est-ce que mon hypothèse est plus probable que l’hypothèse inverse ?
– Mon hypothèse s’applique-t-elle dans tous les cas, ou seulement dans une catégorie de situations ?
– De combien de participants ai-je besoin au minimum pour répondre à ma question ?
Lorsque les analyses statistiques sont réussies, on dit souvent que les résultats sont significatifs. Cela signifie que l’on peut être suffisamment sûrs de nos résultats, et qu’ils répondent bien à nos hypothèses de recherche, que ce soit pour les confirmer ou pour dire qu’elles sont fausses. Obtenir des résultats significatives est parfois considéré comme une preuve que notre protocole de recherche était suffisamment bon pour montrer la différence à laquelle on s’intéresse.

En recherche qualitative, on utilise d’autres types de méthodes d’analyse, plus souvent basées sur l’analyse du discours que sur des statistiques complexes. Des fréquences peuvent rester pertinentes à mesurer, mais la recherche qualitative vise surtout à faire émerger le sens du contenu.

La rédaction et la publication

Rédaction scientifique

Une fois la recherche terminée, le chercheur rend compte de ses travaux en rédigeant ses trouvailles. La voie royale pour des travaux de recherche est la publication sous la forme d’un article scientifique. Il est proposé à une revue, qui le fait relire par un comité de lecture, et l’accepte ou non.

Sous ce format, les articles sont généralement structurés de la même manière :
– Un résumé de la recherche effectuée, avec ses mots-clés principaux, la question posée et les résultats obtenus.
– La partie théorique, qui regroupe la revue de littérature et la problématique. Pourquoi a-t-on fait cette recherche, et quels étaient les travaux précédents pertinents ? Pour les projets de recherche plus théoriques, cette section peut être plus longue, et présenter un important travail de conceptualisation.
– La partie méthode, qui explique les choix du protocole de recherche. Avec quels participants, quels outils, et de quelle manière a-t-on répondu à la question ? Si un autre chercheur souhaite répliquer l’étude afin de vérifier ses résultats, comment la refaire d’une manière aussi ressemblante que possible ?
– La partie résultats, qui donne les résultats obtenus et les traitements statistiques effectués dessus.
– La partie discussion, qui interprète ces résultats au regard de la partie théorique. A-t-on répondu à notre question ? Qu’a-t-on appris ? A-t-on découvert quelque chose de nouveau ?

Les travaux de recherche peuvent également être présentés sous d’autres formes : livres (qui regrouperont souvent plusieurs recherches, et souvent plusieurs auteurs), présentation à des congrès ou conférences, cours donnés à l’université …
La rédaction n’attend pas forcément la toute fin du projet de recherche. Le chercheur peut aussi rédiger son travail au fur et à mesure qu’il l’effectue.

Publication scientifique

Réussir à faire publier son travail est la récompense ultime pour les chercheurs, mais le système de publication scientifique internationale comporte malheureusement de nombreux biais. Pour ne prendre qu’un seul exemple, on ne parvient souvent qu’à faire publier des recherches qui valident l’hypothèse de recherche. Pourtant, montrer qu’une hypothèse était fausse donne aussi des informations, intéressantes à partager.

La fin d’un travail de recherche produit donc de la nouvelle littérature scientifique, et donne au chercheur lui-même de nouvelles idées pour essayer d’autres choses. Le cycle du processus de recherche recommence…

Dernière mise à jour de cette page : 04 / 05 / 2025.