Psychologie clinique
La majorité des psychologues français sont spécialisés en psychologie clinique, du fait de son intérêt pour travailler dans le champ de la santé mentale, notamment la psychothérapie. Elle intervient également dans le cadre d’une évaluation psychologique, comme l’expertise judiciaire.
L’évaluation psychologique
La psychothérapie
L’exercice de la psychothérapie n’est actuellement pas protégé en France, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire d’être psychothérapeute pour en proposer légalement. Faites donc très attention lors du choix de votre professionnel, car se faire accompagner par une personne sans diplôme universitaire peut se révéler inefficace, voire faire empirer votre situation. Privilégiez une psychothérapie auprès d’un psychologue ou d’un psychiatre, et renseignez-vous sur son approche clinique (TCC, systémie, humaniste, TCD, psychanalyse, …) afin d’estimer si elle peut vous convenir.
Zoom sur la psychométrie

Mesurer des caractéristiques psychologiques
Objectiver une observation
Le plus souvent, le psychologue effectue une observation d’un patient, et en interprète quelque chose pour baser ses conclusions. On appelle cette pratique le jugement clinique non structuré. Or, les études montrent que, lors d’une expertise criminologique, les psychologues qui utilisent uniquement le jugement clinique non structuré rendent des conclusions dont la fiabilité est à peine supérieure au hasard. Le psychologue reste un humain, avec des biais et des erreurs. Son expertise ne suffit pas à lui faire prendre des décisions parfaites.
Les tests et échelles permettent donc de compléter le jugement clinique en lui fournissant une structure (que chercher ? dans quel ordre ? quels éléments ne sont pas pertinents ?). On parle alors de jugement clinique structuré. Le test fournit un score, une catégorie, une étiquette, qui sont objectifs et comparables avec d’autres personnes. L’utilisation des tests permet donc de vérifier que l’on ne se trompe pas. Elle permet aussi d’harmoniser les jugements entre différents cliniciens.
Quantifier un phénomène
Au-delà d’objectiver l’existence d’une caractéristique, la psychométrie permet aussi de la quantifier. Par exemple, on détecte un épisode dépressif caractérisé, mais on cherche à évaluer son intensité.
Les outils psychométriques fournissent ici aussi une mesure permettant de classer l’individu par rapport à d’autres personnes de la même population, pour mesurer la fréquence ou l’intensité d’un problème ou d’un comportement.
La plupart du temps, on cherche à quantifier un phénomène qui est problématique pour la personne. Cela peut être la gravité d’une addiction, la sévérité d’un épisode dépressif, l’intensité d’un déficit intellectuel, etc. Souvent, cette mesure aide à différencier une difficulté normale d’une difficulté pathologique. Par exemple, toutes les personnes âgées ont des petits oublis, mais cela n’implique pas toujours la présence d’une maladie neurodégénérative !
Développer des outils psychométriques
Création
Lorsqu’on crée un outil, on doit identifier plusieurs choses :
– Que mesure l’outil ? À quoi sert-il ? On peut mesurer un comportement, un trait, un trouble psychiatrique, un risque, une caractéristique … De nombreux outils manquent de fiabilité car ils mesurent trop de choses à la fois. D’autres s’intéressent à une chose, mais en mesurent en réalité une autre.
– À qui l’outil s’adresse-t-il ? Cherche-t-on à faire une mesure chez un enfant, un adolescent, un adulte, une personne âgée ? La personne sait-elle lire ? Est-elle touchée par un handicap ? Est-elle en prison ou à l’hôpital ? La mesure devra être adaptée et accessible à la personne rencontrée.
– Comment prend-on la mesure ? Est-ce que la personne remplit elle-même une questionnaire ? Est-ce que le clinicien le remplit lui-même ? S’agit-il d’une réponse à donner, de cases à cocher, d’une tâche à faire ? Cette question est d’une grande complexité et prend généralement le plus de temps. Certains outils, par exemple ceux évaluant le quotient intellectuel, combinent différentes mesures et exercices.
– Comment va-t-on interpréter le test ? Est-ce qu’il donne un score qui augmente selon la gravité ? Est-ce qu’il propose différentes catégories dans lesquelles répartir les personnes ? Ou plutôt un continuum le long duquel on se place ? Une probabilité ? Le type de résultat obtenu sera corrélé avec la mesure choisie.
Validation
Le processus de validation d’un outil psychométrique est le moins connu du grand public. Pourtant, c’est le plus important, et certainement celui qui prend le plus de temps. Il permet de vérifier les qualités de l’outil, afin d’indiquer si l’on peut s’en servir et avec quel niveau de confiance.
De manière simplifiée, les qualités psychométriques d’un outil sont :
– Sa validité : Est-ce que l’outil mesure bien ce qu’il est censé mesurer ? Si j’évalue l’intelligence en mesurant combien de pommes de terre une personne peut lancer dans un seau en une minute, j’obtiendrai un score, mais il ne correspondra sûrement pas à ce que je cherche. Cette question est beaucoup plus ardue quand on veut mesurer des concepts complexes, comme l’intelligence, ou le risque de comportement violent.
– Sa fidélité : Si je fais passer le même test deux fois à la même personne à quelques heures, semaines, années d’intervalle, obtiendrai-je un résultat similaire ? On l’appelle parfois fidélité test-retest, ou reproductibilité. Certains outils ne sont pas réutilisables pour une même personne, car ils permettent un effet d’apprentissage. La personne peut donc obtenir un meilleur score que la fois précédente, même si elle ne s’est pas amélioré en général.
– Sa fiabilité : Si deux professionnels différents évaluent la même personne avec le même outil, vont-ils trouver des résultats identiques ? On peut imaginer les difficultés posées par un outil avec une mauvaise fiabilité. Il n’est pas si objectivant que cela. On appelle également la fiabilité fidélité inter-juge.
– Sa sensibilité : Ou capacité de discrimination. Est-ce que l’outil arrive à distinguer finement des catégories de personnes ou des scores ? Par exemple, est-ce que des personnes très différentes vont bien obtenir des scores différents ? Est-ce que des personnes assez similaires vont quand même pouvoir être différenciées avec nuance ?
Ces qualités sont évaluées par des études expérimentales, où l’outil est utilisé avec de nombreux professionnels, contextes, personnes. Les résultats sont ensuite décortiqués à l’aide d’analyses statistiques. Ces analyses permettent aussi de s’assurer que le test est aussi utile que possible, et que son résultat n’est pas dû au hasard. Si un trait est mesuré par 10 questions différentes (appelées items), mais qu’un seul suffit pour obtenir une réponse fiable, on peut supprimer les autres. Cela rendra la passation du test plus simple.

Traduction
Étalonnage
– Voir quels sont les écarts de résultats d’une personne à l’autre, au sein de la population. On appelle cette mesure l’écart-type. Sans cette répartition, il est impossible de savoir ce qui constitue un résultat normal ou pathologique.
– S’assurer que l’on connait la répartition de résultats de la population pour laquelle on l’utilise. En effet, ces écarts de résultats ne sont pas les mêmes partout. Par exemple, les femmes ont un risque de récidive violente beaucoup plus faible que les hommes. Il n’est donc pas fiable d’utiliser avec une femme un outil qui aurait uniquement été étalonné sur une population masculine. Il serait impossible d’interpréter correctement le résultat obtenu. Autre exemple, pour un même test traduit en français, des adolescents français n’auront pas forcément les mêmes scores que des adolescents québécois ou belges.
Le processus de développement d’un outil est donc très long, puisqu’il nécessite d’être validé, étalonné, et éventuellement traduit, pour chaque nouveau contexte dans lequel on souhaite l’utiliser. Il existe ainsi de multiples tests très précieux encore inutilisables en France, car ils n’ont pas encore fait l’objet de cette procédure. Cela peut parfois prendre plusieurs décennies.
Formation des professionnels
Choix des tests
De plus, la plupart des outils psychométriques ne sont pas trouvables sur internet. Ils sont distribués par des maisons d’édition, qui requièrent d’acheter chaque test, voire son manuel et sa formation spécifique. Certains tests nécessitent d’être payés à chaque utilisation.
Ce système a des avantages : protection des tests contre les malpratiques, garantie de formation, protection de droits d’auteurs. Il freine cependant l’accès à l’utilisation des outils, mais aussi leur processus de validation, de traduction et d’étalonnage. Certains chercheurs décident donc, de plus en plus fréquemment, de publier leurs travaux en libre accès.
Passation
La passation d’un test (= le moment où le professionnel le fait passer à son patient) peut être assez complexe. Certaines peuvent durer plusieurs heures, ou comprendre plus d’une dizaine d’étapes. Pour de nombreux tests neuropsychologiques, des étapes ou des temps d’attente entre deux tâches doivent être chronométrés.
On peut donc aisément imaginer l’intérêt d’avoir un professionnel briefé et entraîné à la passation d’un test, pour que les résultats obtenus soient utilisables.
Interprétation
– La cotation du test. Il s’agit d’attribuer les scores ou les catégories correspondant à chaque item. Beaucoup de tests neuropsychologiques impliquent de transformer certains scores bruts par quelques calculs, pour obtenir des scores standardisés. Le cursus universitaire des psychologues comprend plusieurs semestres de statistiques obligatoires… Les statistiques sont également utiles dans le processus de recherche.
– L’interprétation du test. Savoir ce que signifie chaque résultat (est-ce que 10 est un score moyen ou très grave ?) ne peut en général pas s’inventer, même avec l’étalonnage sous les yeux, et nécessite donc une formation préalable.

Restitution
Cela peut paraître peu intuitif, mais la restitution d’un bilan demande également des compétences spécifiques. La restitution peut être le fait d’expliquer les conclusions à l’oral au patient demandeur, à l’écrit par un bilan, généralement les deux. Dans un contexte judiciaire, il peut aussi inclure une soutenance du rapport d’expertise devant la Cour.
Une formation est intéressante pour savoir quels éléments transmettre (fournit-on les scores bruts ou non ?) et comment les transmettre pour chaque test (peut-on dire que cette personne est un psychopathe ?).
Dernière mise à jour de cette page : 05 / 05 / 2025.
